jeudi, février 14, 2008

De la valeur des hommes

Ce soir une femme est morte dans un village des alentours de Tulkarem car les soldats du check-point d'Al Jarushiya n'ont pas laissé passer l'ambulance qui venait la chercher. A Anabta, un autre CP que nous observons régulièrement, les soldats tiraient sur toute personne essayant de sortir de son véhicule. Nous n'étions pas là et nous n'aurions probablement rien pu faire. Le CICR nous avait assuré qu'ils coordonnaient le libre passage des ambulances aux divers CP.

Personne ne parlera de cet "incident" dans la presse suisse ou internationale demain. Un numéro de plus parmi les civils Palestiniens qui meurent chaque jour en Cisjordanie ou à Gaza. Les Palestiniens ne sont que des animaux sur lesquels on peut tirer sans avoir de comptes à rendre à personne. Ce sont tous des terroristes après tout. Je ne savais pas que certains hommes avaient plus de valeur que d'autres.



La Saint Valentin à Tulkarem

En ce soir de Saint Valentin, des centaines de personnes attendent sous la pluie de pouvoir sortir de Tulkarem et rentrer chez eux. Trois nouveaux check-points (CP) ont été installés autour de Tulkarem (Shwaika, Bal'a et Far'oun) et empêchent quiconque de quitter Tulkarem depuis midi. Un de nos amis et Field worker pour une ONG israélienne des droits de l'homme est bloqué depuis plus de cinq heures à un CP.
Impossible pour nous ni même pour le CICR de faire quoi que ce soit car c'est l'armée israélienne qui dicte les règles ici. Impossible pour moi de vous décrire sur ce blog ce qu'est la vie sous occupation. Même Kafka n'aurait pas pu imaginer une telle situation où quiconque peut être arrêté pour la seule faute d'être Palestinien et où les soldats tirent à balles réelles sur les enfants qui jettent des pierres.

mardi, février 12, 2008

Tulkarem sous scellés

Depuis une semaine jour pour jour, Tulkarem et ses environs sont bloqués par l'armée israélienne. Un nouveau flying check-point (CP) a été mis en place à Al Jarushiya, entre Tulkarem et Deir al-Ghusun, et les CP d'Anabta et d'Alras/Jbarah sont plus difficiles que jamais.

Flying CP d'Al Jarushiya

Les jeunes gens de moins de 35 ans résidant au Nord de Tulkarem ne peuvent franchir le CP d'Al Jarushiya. Parmi bien d'autres cas, un médecin n'a pas pu gagner l'hôpital de Tulkarem et beaucoup de nos étudiants de l'Université de Kadoorie n'ont jamais pu assister à notre cours de lundi.

Quant aux jeunes de Tulkarem, il leur est pratiquement impossible de sortir de leur ville par les check-points d'Anabta et d'Alras/Jbarah. Le concert de Dar Qandeel (notre groupe de musique local), prévu à Qalqilia mercredi, a dû être annulé. Par ailleurs, Azzun, un village au Sud de Tulkarem, est sous couvre-feu depuis une semaine également.

Mes trois valeureux étudiants. L'un d'entre eux a même échappé à la vigilance de l'armée pour venir à mon cours.
La situation est comme paralysée, un coup dur de plus pour l'économie locale qui n'avait pas besoin de ça. Et un coup de plus porté au moral des Tulkarémites. L'argument sécuritaire est avancé par l'armée, mais cela ressemble une fois de plus à une punition collective suite à l'attentat de Dimona. D'aucuns craignent que ce bouclage du Nord de la Cisjordanie annonce une future attaque sur Gaza. Mais il nous faut espérer que cela ne soit pas le cas.

mardi, février 05, 2008

Un petit gauchiste d'Europe

"Tu n'es qu'un petit gauchiste d'Europe!" Voilà ce que m'a dit un soldat israélo-français à un check-point ce soir alors que je lui demandais si un bus avec des femmes et des enfants pouvait passer devant la queue d'une cinquantaine de voitures bloquées depuis des heures par ce même soldat. Petit, je peux pas nier. D'Europe non plus. Même si la Suisse c'est pas vraiment l'Europe. Gauchiste, j'ai toujours un peu de peine avec la connotation parfois négative du terme et je viens finalement plutôt d'une famille de centre-droit. Bref, je me suis remis en question. Ne suis-je qu'un "petit gauchiste d'Europe"? Est-ce que ce que je fais ici a réellement un sens ou ne suis-je qu'un stupide utopiste? Ou pire, est-ce que j'aide les Palestiniens qui ne sont, en fin de compte, que des terroristes?

Aujourd'hui, j'ai vu un paysan d'une quarantaine d'années pleurer en nous expliquant sa vie ici entre le mur et une fabrique de produits chimiques. Fatigué de se battre pour continuer à cultiver sa terre et de subir pressions et menaces.

J'ai vu un enfant d'à peine 4 ans attendre des heures à ce même check-point car son père a 32 ans et aucun homme entre 18 et 35 ans n'était autoriser à sortir de Tulkarem pour rejoindre les villages alentours.

Quatre familles de Far'un, un village des environs de Tulkarem, se demandent chaque soir quand les soldats et les bulldozers viendront détruire leurs maisons, "trop proches du mur". Et construites 4 ans avant ce même mur.

Alors je sais bien que deux Palestiniens perdus et minables se sont fait exploser à Dimona hier. Et ça m'emmerde. Ca m'emmerde parce qu'une femme est morte. Ca m'emmerde parce qu'ils ne comprennent pas que tuer des innocents ça n'aide personne. Ca m'emmerde parce que ça légitime en quelques sortes tout ça: les punitions collectives, le mur, les maisons démolies, les paysans qui pleurent et les enfants aux check-points. Ca m'emmerde parce que ces punitions collectives créent de la rancoeur, de la haine et poussent certains Palestiniens à des actes désespérés et destructeurs.

Alors oui, je me remets en question. Mais si tenter de minimiser les violations des droits humains dans une région au bout du rouleau c'est n'être qu'un petit gauchiste d'Europe. Alors oui. Pourquoi pas? Et finalement, alors que cet arrogant soldat français menaçait de m'arrêter et me poussait loin de ce check-point, le bus plein d'enfants passait le barrage et continuait sa route.


Abdulkarim Saadi (à gauche) et Abdulkarim Dalbah (à droite), deux Palestiniens qui luttent pour un peu plus de respect des droits de l'homme ici depuis des années (avec B'Tselem, ONG israélienne, et ISM). Et qui, malgré tout, continuent de sourire. Quand je travaille avec eux, je ne me demande plus ce que je fais ici.

samedi, février 02, 2008

Nazlat 'Isa sur Couleur 3

Vendredi 1er février, j'ai pu parler de Nazlat 'Isa sur Couleur 3. Dans l'émission "Que de la radio" avec Catherine Fattebert. Aux alentours de 11.40. J'avais déjà parlé de Jbarah et d'Hébron les vendredis précédents et je continuerai encore pour quelques vendredis, à la même heure. Pour en savoir plus sur Nazlat 'Isa, vous pouvez consulter mon message "Un après-midi à Nazlat 'Isa". Bien à vous.