Shufa d'en haut et Shufa d'en bas. C'est ainsi qu'on appellerait en Suisse ce village des environs de Tulkarem. Sauf qu'en Palestine, ce n'est pas le relief qui coupe les villages en deux, mais l'armée israélienne (IDF).
La colonie de Avne Hefetz a été établie sur les terres des paysans de Shufa. Comme si cela ne suffisait pas, l'IDF a décidé en 2004 de bâtir une base militaire juste à côté du village. Pour des raisons de "sécurité", la route menant de la partie inférieure à la partie supérieure de Shufa a été coupée par d'imposants blocs de terre. Le tronçon restant a été relié à la route réservée aux colons et interdit à tout véhicule palestinien. Résultat: pour aller ou revenir de Tulkarem, les habitants de Shufa doivent emprunter ce tronçon à pied ou à dos d'âne. Et bien sûr, la pente est plutôt forte.
Au centre, Jamal, notre principal contact à Shufa
sur la route menant à son village.
Nous empruntons cette route tous les lundis pour donner des cours d'anglais aux enfants du village et pour rendre visite aux paysans. Si vous imaginez bien que cet exercice hebdomadaire ne me fait pas de mal, on ne peut pas en dire autant pour les femmes et leurs poussettes, les vieillards ou les paysans chargés d'olives ou de concombres. D'autant que les colons roulent à (très) vive allure et frôlent, à dessein, les piétons palestiniens. De plus, les autres routes menant au village ont elles aussi été coupées les unes après les autres, isolant Shufa du reste de la région.
Mais les habitants ne renoncent pas. Le commerce du mulet est florissant et Shufa respecte à la lettre le protocole de Kyoto. Seule ombre au tableau: le gouvernement israélien peut décider du jour au lendemain de confisquer encore plus de terres ou d'interdire totalement la route aux paysans. Et ce, dans une indifférence quasi générale.
Cette famille de paysans de Shufa nous a invités spontanément à boire un thé dans leur cabanon de fortune lors d'une de nos premières visites au village. Ils ne nous connaissaient pas, nous ont offert leurs oranges, leurs concombres et nous ont fait visité leurs terres (ici leur serre de concombres), avec fierté. Nous sommes restés presque une heure avec eux, échangeant trois mots d'anglais et deux d'arabe. Il n'y a parfois pas besoin de parler beaucoup pour se comprendre. C'était la veille de Noël. Après ça, on n'a plus de doutes sur le sens de notre mission ici.
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