La mission principale d'un EA est de montrer à la population palestinienne qui vit depuis 40 ans sous occupation que la communauté internationale ne se contente pas de promettre chaque dix an la création d'un hypothétique futur Etat palestinien viable. Par notre présence, nous exprimons concrètement notre solidarité et prouvons à ceux qui en douteraient que le peuple palestinien n'est pas fait de terroristes, mais de gens comme vous et moi qui demandent plus de respect et de libertés.
Plus concrètement, voici quelques-unes de nos tâches dans la région:
- Check-point monitoring: La Cisjordanie est morcelée par 149 colonies israéliennes et plus de 500 obstacles physiques fixes (routes coupées, tranchées, Mur...). Les Palestiniens qui veulent se rendre de Ramallah à Jénine, de Tulkarem à Naplouse ou de Hébron à Jérusalem doivent inévitablement traverser un ou plusieurs check-points (barrages fixes de l'armée).
Selon les consignes ou l'humeur des soldats, passer de tels barrages peut prendre de quelques secondes à plusieurs heures. Pour preuve, notre premier voyage de Jérusalem à Tulkarem (environ 60 km) nous a duré plus de 5 heures: certes, une roue crevée nous a fait perdre une bonne demi-heure, mais les 3 check-points et une route bloquée par l'armée sont les vraies raisons d'un si long périple. Difficile dès lors de relancer l'économie palestinienne avec de telles entraves au mouvement.
EAs à Tulkarem, nous observons 3 check-points (
Beit Iba, Anapta et Alras/Jabara) en collaboration avec une ONG israélienne
Machsom Watch. La présence d'internationaux est tout d'abord censée rappeler aux soldats (la plupart des jeunes de 18-19 ans) qu'ils ne peuvent agir à leur guise: les abus, les humiliations et les arrestations arbitraires sont moins fréquentes. En cas de violations flagrantes des droits humains et si le dialogue avec les soldats ne suffit pas, nous informons notre contact Noah du CICR, les autorités israéliennes compétentes ou l'ONG israélienne
B'Tselem, selon les cas de figure et la gravité. Chaque observation de check-point fait l'objet d'un rapport envoyé à ces diverses organisations et à d'autres.
- Agricultural gates: contrairement à une idée reçue, le Mur de séparation de sépare pas Israël des territoires palestiniens. La moitié de son tracé empiète sur la Cisjordanie: des villages sont divisés, des familles séparées. Dans la région de Tulkarem, le Mur a coupé de nombreux fermiers de leurs terres, les privant de revenus essentiels. Certes, le Gouvernement israélien a placé quelques portes ("Gates") dans son mur, mais la plupart sont réservées à l'armée et interdites aux palestiniens. Les portes agricoles sont censées permettre aux paysans de cultiver leurs terres: certaines ne sont ouvertes que selon la saison, d'autres trois fois par jour durant environ une heure. Seuls les Palestiniens ayant obtenus un permis peuvent traverser ces portes et sont obligés de revenir le soir même. Selon une récente étude de l'
OCHA, seulement 18% des fermiers qui travaillaient leurs terres avant le Mur, sont aujourd'hui autorisés à passer ces "gates". Les démarches pour obtenir un permis sont kafkaïennes et les autorités israéliennes donnent volontiers ces permis à des personnes âgées, voire handicapées, mais plus rarement aux jeunes hommes.
Ici aussi, nous tentons d'éviter les humiliations et les abus. Nous participons aussi aux études en cours de l'OCHA et de l'UNRWA qui montrent que le Mur et les autres obstacles handicapent gravement l'économie palestinienne: les fermiers ne cultivent plus ou beaucoup moins leurs terres, les récoltes (notamment d'olives) sont de moins en moins bonnes. Face à tous ces obstacles, certains paysans se résignent à abandonner leurs terres.
- Camps de réfugiés: Tulkarem compte deux camps de réfugiés: Tulkarem Camp, qui abrite 20'000 personnes, et Nur Shams, qui en compte 7'000. Ces réfugiés habitaient à Haïfa, Jaffa ou ailleurs avant 1948. Lors de la première guerre israélo-arabe et suite à l'avancée de l'armée israélienne, ils ont fui ou ont été chassés de leurs villages et ont trouvé refuge en Cisjordanie, alors sous contrôle jordanien. En 1967, la Jordanie perdit ce territoire qui passa sous occupation israélienne. Les habitants de Tulkarem Camp ou Nur Shams sont donc en quelque sorte réfugiés dans leur propre pays, si ce n'est que ce pays n'existe pas et est occupé. La plupart d'entre eux sont dépendants de l'UNRWA, un office des Nations Unies destiné spécialement aux réfugiés palestiniens depuis 1949.
Notre action au sein de ces deux camps consiste essentiellement à donner des classes de conversation en anglais, aux femmes ou aux enfants. Pour les faire progresser certes, mais aussi pour le permettre de parler de pays ou de choses différents. Les seuls étrangers qu'ils croisent sont les soldats israéliens des check-points ou ceux qui parfois investissent leurs camps durant la nuit. Nous collaborons aussi avec un centre de jeunes du Tulkarem Camp, dont l'équipe de football est, paraît-il, la meilleure de toute la Palestine.
Nous avons également d'autres activités, mais je vais m'arrêter là pour l'instant. Ce blog fait d'ailleurs partie de nos "tâches". En effet, il est essentiel pour tout EA de montrer à ses compatriotes quelle est la vraie situation sur place. Loin des grandes promesses d'Annapolis et des clichés ou des préjugés. Je fais donc de mon mieux pour vous expliquer tout ça, même si je n'ai pas toujours les idées claires après une journée de travail.