dimanche, décembre 30, 2007

Le Premier ministre palestinien à Tulkarem

Samedi dernier, Tulkarem a eu le privilège d'accueillir le Premier ministre palestinien Salam Fayyad à l'occasion d'une conférence sur le Mur de séparation. Organisée par Al-Quds Open University de Tulkarem, cette rencontre était destinée à faire l'état des lieux des nuisances du Mur sur la population et l'économie palestiniennes.

M. Salam Fayyad, Premier ministre palestinien originaire de Deir al-Ghusun, un village des environs de Tulkarem.


Mme Luisa Morgantini, Vice-présidente du Parlement européen, était également présente accompagnée d'une imposante délégation italienne. Son discours engagé et dénonçant sans détour le Mur contrastait avec le fait que ni l'Union européenne, ni aucun autre donneur étranger n'avait daigné sponsoriser cet événement significatif pour la Cisjordanie. Par peur des représailles économiques israéliennes, aucun organisme privé palestinien n'avait d'ailleurs accepté de financer l'événement.


Mme Morgantini en discussion avec Abd al-Karim Sa'adi, Field Worker à Tulkarem pour l'ONG B'Tselem. En arrière-plan, Johanna (qui travaille pour une organisation suédoise) et Samar ( un de nos principaux contacts à Tulkarem).

mercredi, décembre 26, 2007

Shufa, le village coupé en deux

Shufa d'en haut et Shufa d'en bas. C'est ainsi qu'on appellerait en Suisse ce village des environs de Tulkarem. Sauf qu'en Palestine, ce n'est pas le relief qui coupe les villages en deux, mais l'armée israélienne (IDF).

La colonie de Avne Hefetz a été établie sur les terres des paysans de Shufa. Comme si cela ne suffisait pas, l'IDF a décidé en 2004 de bâtir une base militaire juste à côté du village. Pour des raisons de "sécurité", la route menant de la partie inférieure à la partie supérieure de Shufa a été coupée par d'imposants blocs de terre. Le tronçon restant a été relié à la route réservée aux colons et interdit à tout véhicule palestinien. Résultat: pour aller ou revenir de Tulkarem, les habitants de Shufa doivent emprunter ce tronçon à pied ou à dos d'âne. Et bien sûr, la pente est plutôt forte.
Au centre, Jamal, notre principal contact à Shufa
sur la route menant à son village.

Nous empruntons cette route tous les lundis pour donner des cours d'anglais aux enfants du village et pour rendre visite aux paysans. Si vous imaginez bien que cet exercice hebdomadaire ne me fait pas de mal, on ne peut pas en dire autant pour les femmes et leurs poussettes, les vieillards ou les paysans chargés d'olives ou de concombres. D'autant que les colons roulent à (très) vive allure et frôlent, à dessein, les piétons palestiniens. De plus, les autres routes menant au village ont elles aussi été coupées les unes après les autres, isolant Shufa du reste de la région.

Mais les habitants ne renoncent pas. Le commerce du mulet est florissant et Shufa respecte à la lettre le protocole de Kyoto. Seule ombre au tableau: le gouvernement israélien peut décider du jour au lendemain de confisquer encore plus de terres ou d'interdire totalement la route aux paysans. Et ce, dans une indifférence quasi générale.

Cette famille de paysans de Shufa nous a invités spontanément à boire un thé dans leur cabanon de fortune lors d'une de nos premières visites au village. Ils ne nous connaissaient pas, nous ont offert leurs oranges, leurs concombres et nous ont fait visité leurs terres (ici leur serre de concombres), avec fierté. Nous sommes restés presque une heure avec eux, échangeant trois mots d'anglais et deux d'arabe. Il n'y a parfois pas besoin de parler beaucoup pour se comprendre. C'était la veille de Noël. Après ça, on n'a plus de doutes sur le sens de notre mission ici.

jeudi, décembre 20, 2007

Pensées tardives et décousues

Le plus grand ennemi de la connaissance n'est pas l'ignorance, mais l'impertinence de croire que l'on sait. Je croyais tout connaître de la Palestine, d'Israël, du conflit, de la ligne verte, du Mur. Des études, des livres et des livres, un mémoire, un séjour en Israël. Aujourd'hui je me rends compte que je ne savais rien.

Je n'avais jamais connu l'humiliation quotidienne des check-points: des soldats me parlant comme à un sous-homme, me demandant de lever mon t-shirt par 3 degrés, mes enfants qui pleurent devant tant d'armes et de gris.

Je n'avais jamais connu le doute premanent: pourrais-je travailler aujourd'hui ou la route sera-t-elle fermée? Pourrais-je aller cultiver mes oliviers ou mon permis sera-t-il échu pour une obscure raison? Reverrais-je un jour mon frère et mes amis de l'autre côté du Mur? Pourrais-je retourner un jour à Jérusalem?

Je n'avais jamais passé une soirée avec une famille palestinienne en étant reçu comme un des leurs. Du thé, du café, des falafels, du chocolat, du thé, du café, un narguilé. Des enfants, des parents, des amis. Des sourires surtout, un tel bonheur de réaliser qu'il y a des gens quelque part qui osent encore venir en Palestine, qui s'inquiètent, ne serait-ce qu'un peu, de leur situation, de leur vie. De la tristesse aussi. Une paix si lointaine, une vie sans futur. L'Europe? la Suisse? Un rêve où une vie meilleure aurait été possible. Ou elle le sera peut-être un jour. Inchallah.

Et de l'autre côté de ce Mur de la honte, la même tristesse. Les mêmes jeunes, les mêmes familles, les mêmes joies, les mêmes peines. Les mêmes souffrances dues à une politique de l'ignorance et de la peur d'autrui. La force plutôt que le dialogue. Est-ce en militarisant l'esprit de nos enfants qu'on leur donne les clés du bonheur? Est-ce en possédant plus de territoires que l'on est plus heureux?

Tout cela cessera-t-il un jour? Qui sait? Les miracles existent. Vais-je, moi, changer quelque chose? Sûrement pas. Mais si je parviens à faire comprendre, ne serait-ce qu'un tout petit peu mieux, la situation ici à l'un de mes lecteurs, ce sera déjà un pas de plus vers moins de tristesse et de gâchis.

mercredi, décembre 19, 2007

Notre mission

La mission principale d'un EA est de montrer à la population palestinienne qui vit depuis 40 ans sous occupation que la communauté internationale ne se contente pas de promettre chaque dix an la création d'un hypothétique futur Etat palestinien viable. Par notre présence, nous exprimons concrètement notre solidarité et prouvons à ceux qui en douteraient que le peuple palestinien n'est pas fait de terroristes, mais de gens comme vous et moi qui demandent plus de respect et de libertés.

Plus concrètement, voici quelques-unes de nos tâches dans la région:

- Check-point monitoring: La Cisjordanie est morcelée par 149 colonies israéliennes et plus de 500 obstacles physiques fixes (routes coupées, tranchées, Mur...). Les Palestiniens qui veulent se rendre de Ramallah à Jénine, de Tulkarem à Naplouse ou de Hébron à Jérusalem doivent inévitablement traverser un ou plusieurs check-points (barrages fixes de l'armée).
Selon les consignes ou l'humeur des soldats, passer de tels barrages peut prendre de quelques secondes à plusieurs heures. Pour preuve, notre premier voyage de Jérusalem à Tulkarem (environ 60 km) nous a duré plus de 5 heures: certes, une roue crevée nous a fait perdre une bonne demi-heure, mais les 3 check-points et une route bloquée par l'armée sont les vraies raisons d'un si long périple. Difficile dès lors de relancer l'économie palestinienne avec de telles entraves au mouvement.

EAs à Tulkarem, nous observons 3 check-points (Beit Iba, Anapta et Alras/Jabara) en collaboration avec une ONG israélienne Machsom Watch. La présence d'internationaux est tout d'abord censée rappeler aux soldats (la plupart des jeunes de 18-19 ans) qu'ils ne peuvent agir à leur guise: les abus, les humiliations et les arrestations arbitraires sont moins fréquentes. En cas de violations flagrantes des droits humains et si le dialogue avec les soldats ne suffit pas, nous informons notre contact Noah du CICR, les autorités israéliennes compétentes ou l'ONG israélienne B'Tselem, selon les cas de figure et la gravité. Chaque observation de check-point fait l'objet d'un rapport envoyé à ces diverses organisations et à d'autres.

- Agricultural gates: contrairement à une idée reçue, le Mur de séparation de sépare pas Israël des territoires palestiniens. La moitié de son tracé empiète sur la Cisjordanie: des villages sont divisés, des familles séparées. Dans la région de Tulkarem, le Mur a coupé de nombreux fermiers de leurs terres, les privant de revenus essentiels. Certes, le Gouvernement israélien a placé quelques portes ("Gates") dans son mur, mais la plupart sont réservées à l'armée et interdites aux palestiniens. Les portes agricoles sont censées permettre aux paysans de cultiver leurs terres: certaines ne sont ouvertes que selon la saison, d'autres trois fois par jour durant environ une heure. Seuls les Palestiniens ayant obtenus un permis peuvent traverser ces portes et sont obligés de revenir le soir même. Selon une récente étude de l'OCHA, seulement 18% des fermiers qui travaillaient leurs terres avant le Mur, sont aujourd'hui autorisés à passer ces "gates". Les démarches pour obtenir un permis sont kafkaïennes et les autorités israéliennes donnent volontiers ces permis à des personnes âgées, voire handicapées, mais plus rarement aux jeunes hommes.


Ici aussi, nous tentons d'éviter les humiliations et les abus. Nous participons aussi aux études en cours de l'OCHA et de l'UNRWA qui montrent que le Mur et les autres obstacles handicapent gravement l'économie palestinienne: les fermiers ne cultivent plus ou beaucoup moins leurs terres, les récoltes (notamment d'olives) sont de moins en moins bonnes. Face à tous ces obstacles, certains paysans se résignent à abandonner leurs terres.

- Camps de réfugiés: Tulkarem compte deux camps de réfugiés: Tulkarem Camp, qui abrite 20'000 personnes, et Nur Shams, qui en compte 7'000. Ces réfugiés habitaient à Haïfa, Jaffa ou ailleurs avant 1948. Lors de la première guerre israélo-arabe et suite à l'avancée de l'armée israélienne, ils ont fui ou ont été chassés de leurs villages et ont trouvé refuge en Cisjordanie, alors sous contrôle jordanien. En 1967, la Jordanie perdit ce territoire qui passa sous occupation israélienne. Les habitants de Tulkarem Camp ou Nur Shams sont donc en quelque sorte réfugiés dans leur propre pays, si ce n'est que ce pays n'existe pas et est occupé. La plupart d'entre eux sont dépendants de l'UNRWA, un office des Nations Unies destiné spécialement aux réfugiés palestiniens depuis 1949.
Notre action au sein de ces deux camps consiste essentiellement à donner des classes de conversation en anglais, aux femmes ou aux enfants. Pour les faire progresser certes, mais aussi pour le permettre de parler de pays ou de choses différents. Les seuls étrangers qu'ils croisent sont les soldats israéliens des check-points ou ceux qui parfois investissent leurs camps durant la nuit. Nous collaborons aussi avec un centre de jeunes du Tulkarem Camp, dont l'équipe de football est, paraît-il, la meilleure de toute la Palestine.

Nous avons également d'autres activités, mais je vais m'arrêter là pour l'instant. Ce blog fait d'ailleurs partie de nos "tâches". En effet, il est essentiel pour tout EA de montrer à ses compatriotes quelle est la vraie situation sur place. Loin des grandes promesses d'Annapolis et des clichés ou des préjugés. Je fais donc de mon mieux pour vous expliquer tout ça, même si je n'ai pas toujours les idées claires après une journée de travail.

mardi, décembre 18, 2007

Tulkarem en quelques mots

Tulkarem est une ville du Nord-ouest de la Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967. La ville compte environ 60'000 habitants et deux camps de réfugiés: Tulkarem Camp (20'000 personnes) et Nur Shams (7'000).
Tulkarem était un centre d'échange essentiel et de nombreux Israéliens venaient y acheter des produits réputés pour leurs bas prix. Beaucoup de Tulkarémites en contrepartie avaient la possibilité de travailler en Israël. Depuis 2003 et la construction du Mur de séparation, la plupart des échanges entre Israël et Tulkarem ont été rompus, plongeant la ville, comme le reste de la Cisjordanie, dans une situation économique très difficile. Selon les chiffres de l'OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU), la pauvreté a passé de 23 à 57% de 1999 à 2006 (79% pour Gaza).














En arrière-plan, vous pouvez apercevoir notre maison ensoleillée. Nous habitons au rez-de-chaussée, à deux pas du CICR et de sa déléguée canadienne Mélanie, la quatrième internationale de Tulkarem.

lundi, décembre 17, 2007

Ahlan Wa Sahlan (Bienvenue)


Après une dizaine de jours de formation à Jérusalem, mes collègues internationaux (les "EA's") ont gagné les différentes villes où ils seront actifs (Hébron, Bethléem, Jayyous et Yanoun). Mon équipe et moi avons pris nos quartiers à Tulkarem.