mercredi, janvier 09, 2008

Un matin à Deir al-Ghusun

Cette semaine, c'est notre semaine Deir al-Ghusun. On se lève tous les matins à 04:30 pour être à la porte agricole de Deir al-Ghusun vers 05:30. Qu'est-ce qu'une porte agricole me direz-vous? C'est un passage à travers la barrière de séparation qui permet à quelques paysans d'aller cultiver leurs terres. Comme je le décris déjà dans mon message "Notre mission/agricultural gates", la barrière de séparation ne sépare pas Israël des territoires palestiniens, mais la Palestine de la Palestine.
Ma collègue Linda observant la situation à la porte agricole de Deir al-Ghusun.

Le grand village de Deir al-Ghusun (environ 10'000 habitants) a perdu 3'000 dunums (un dunum = environ un km2) de terres agricoles lorsque la barrière a été construite. Une confiscation illégale que (presque) personne ne remet en question aujourd'hui. Une seule porte permet aux paysans d'aller cultiver leurs oliviers et elle n'est ouverte que trois fois par jour durant une heure. De plus, un permis spécial est nécessaire et les démarches pour l'obtenir sont de plus en plus complexes. Résultat: seule une soixantaine de personnes peuvent aujourd'hui gagner leurs terres contre des centaines avant la barrière.

Ce matin, comme chaque matin, nous sommes allés faire quelques statistiques pour l'UNOCHA et observer la situation à la porte de Deir al-Ghusun. Le contraste entre les jeeps énormes de l'armée et les mulets des Palestiniens est frappant (aucune voiture ne peut passer les gates, même si les tracteurs sont aujourd'hui autorisés). Par un froid de canard, les soldats demandent aux paysans de lever leur T-shirts et de tourner sur eux-mêmes. Comme à chaque fois, ils argument que chaque Palestinien pourrait cacher une bombe sous ses vêtements et me conseillent de voir le film "The Kingdom" qui montre très bien que chaque Arabe est un terroriste en puissance. Merci...

Notre contact Khaled observant la barrière de séparation et ses terres de l'autre côté.

Ce matin, pour le plus grand plaisir de ma collègue norvégienne, Khaled, un de nos contacts et probablement l'un des paysans les plus sexys de Palestine, avait oublié sa carte d'identité, ce qui ne lui laissait aucune chance de passer la porte. Loin de s'apitoyer sur son sort, il nous a proposé de nous faire visiter les ruines ottomanes des environs. Arpentant de vieilles routes à travers les paysages magnifiques d'oliviers, j'en oubliais presque la situation politique. Mais ici, tout rappelle le conflit: une maison détruite pas l'armée (il est interdit de construire à moins d'un km de la clôture) et une jeep de l'armée effectuant sa ronde le long de la barrière me ramenaient vite à la réalité. Khaled nous expliqua aussi sa situation: son père avait déjà perdu 38 dunums de terre en 1967, lors de la guerre israélo-arabe. Avec la barrière, ce sont 45 autres dunums qui sont aujourd'hui menacés. Or, l'Etat israélien n'a aucune raison pour placer la barrière ainsi: il n'y a aucune colonie juive et l'argument sécuritaire n'est pas non plus valide. Il s'agit seulement d'un moyen pour confisquer quelques terres fertiles.

Khaled nous a ensuite invité chez lui pour boire un thé et un café. Et quand je l'ai vu s'amuser avec ses enfants, je me suis dit que la vie ici était certes dure, mais aussi parfois très belle.

1 commentaire:

Moyline et Jean-Marie a dit…

Je te lis toujours aussi attentivement et j'admire ta patience. Je me demande serieusement si je serai en mesure de me maitriser si bien. Enfin, il le faudra bien. Et comme le disait Rachel, s'enerver est un luxe reserver a nous autres qui ne vivons pas cette situation au quotidien.
Petite anecdote: dans le bus nous menant a Cusco (Perou), un couple d'americains (l'homme arborait un t-shirt vantant les merites de Tsahal)a choisi de faire profiter tous les passagers du film qu'ils transportaient avec eux. Sans rien demander au chauffeur, ils ont donc introduit le dvd dans le lecteur (ne comprenant pas comment l'ouvrir, ils l'ont un peu force). A notre grand bonheur et celui des Peruviens presents dans le bus, nous avons pu regarder le chef d'oeuvre que tu evoques dans ton commentaire: The Kingdom. Pour couronner le tout, le couple n'a pas juger utile de diffuser le film en espagnol ou d'afficher un sous-titrage. Sans commentaire...